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nesques : Ampère se fut marié le jour même, le 10 août 1789. La femme de son choix, la seule qu’il eût acceptée, était une de ces deux jeunes filles qu’il apercevait au loin, dont il ne connaissait pas la famille, dont il ignorait le nom, dont la voix n’avait jamais frappé son oreille. Les choses ne marchèrent pas avec cette rapidité. Ce fut trois ans après seulement que la jeune personne du ruisseau solitaire et de la prairie, que mademoiselle Julie Carron devint madame Ampère.

Ampère était sans fortune. Avant de lui donner leur fille, les parents de mademoiselle Carron exigèrent prudemment qu’il songeât aux charges que le mariage lui imposerait, ou, comme on dit vulgairement dans le monde, qu’il prît un état. Vous sourirez, sans doute, en apprenant que, tout entier à son amour, Ampère permit qu’on discutât sérieusement s’il ne serait pas installé dans quelque boutique où, du matin au soir, il déplierait, plierait et déplierait encore les belles soieries de la fabrique lyonnaise ; où sa mission consisterait principalement à retenir les acheteurs par des paroles engageantes ; à maintenir les prix, mais sans impatience ; à disserter à perte de vue sur la finesse des tissus, le goût des ornements, la bonne qualité des couleurs. Ampère, sans qu’il y mît nullement du sien, échappa à cet immense danger. La carrière des sciences ayant prévalu dans une assemblée de famille, il quitta ses montagnes chéries de Poleymieux, pour aller à Lyon donner des leçons particulières de mathématiques.