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transporté d’aise d’avoir trouvé un Français qui savait se taire, lui tend la main, la serre avec affection, en s’écriant : « Très-bien, monsieur Bailly, très-bien ! »

Après avoir rapporté l’anecdote telle que notre confrère se plaisait à la raconter, je crains vraiment qu’on ne me demande comment je l’envisage. Eh bien, Messieurs, le jour où la question sera posée ainsi, je répondrai que Bailly et Franklin, discutant ensemble, dès leur première entrevue, quelque question de science, m’eussent paru plus dignes l’un de l’autre que les deux acteurs de la scène de Chaillot. J’accorderai encore qu’on puisse en tirer cette conséquence, que les hommes de génie eux-mêmes ont quelquefois des travers ; mais j’ajouterai aussitôt que l’exemple sera sans danger, le mutisme n’étant pas un moyen efficace de faire valoir sa personne, ou de se singulariser d’une manière profitable.

Bailly fut nommé membre de l’Académie Française, à la place de M. de Tressan, en novembre 1783. Le même jour, M. de Choiseul-Gouffier succéda à d’Alembert. Grâce à la coïncidence des deux nominations, Bailly échappa aux sarcasmes que les académiciens en expectative ne manquent jamais de décocher, à tort ou à raison, contre tous ceux qui ont obtenu une double couronne. Cette fois, ils se ruèrent exclusivement sur le grand seigneur. L’astronome prit ainsi possession de sa nouvelle dignité sans soulever les orages habituels. Recueillons religieusement, Messieurs, dans les premières années de la vie de notre confrère, tout ce qui peut sembler une compensation anticipée aux épreuves cruelles que nous aurons à raconter plus tard.