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de Platon : « Celui qui l’a créée l’a détruite, comme les murailles qu’Homère a bâties et fait disparaître sur le rivage de Troie. » Bailly ne partage pas ce scepticisme. Suivant lui, Platon parlait sérieusement aux Athéniens d’un peuple savant, policé, mais détruit et oublié. Seulement, il repousse bien loin l’opinion que les Canaries soient les restes de l’ancienne patrie, actuellement engloutie, des Atlantes. Ce peuple, Bailly le place au Spitzberg, au Groënland, à la Nouvelle-Zemble, dont le climat aurait changé. Il faudrait aussi chercher le jardin des Hespérides, près du pôle ; enfin, la fable du phénix serait née près du golfe de l’Obi, dans une région supposant, chaque année, une absence du soleil de soixante-cinq jours.

On voit, dans maint passage, que Bailly s’étonne lui-même de la singularité de ses conclusions, et craint que les lecteurs ne les prennent pour des jeux d’esprit. Aussi s’écrie-t-il : « Ma plume ne trouverait point d’expressions pour des pensées que je ne croirais pas vraies. » Ajoutons qu’aucun effort ne lui coûte. Bailly appelle successivement à son aide l’astronomie, l’histoire, appuyées sur l’érudition la plus vaste, la philologie, les systèmes de Mairan, de Buffon, relativement à la chaleur propre de la Terre. Il n’oublie pas, pour me servir de ses propres paroles, « que dans l’espèce humaine, encore plus sensible que curieuse, plus avide de plaisir que d’instruction, rien ne plaît généralement et longtemps que par l’agrément du style ; que la vérité sèche est tuée par l’ennui ! » Et, cependant, Bailly fait peu de prosélytes ; et une sorte d’instinct détermine les hommes de science à dédaigner