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Condorcet d’éclatants services et des marques sans nombre d’attachement. Là finissait la périlleuse mission que M. Sarret s’était donnée ; il se retira et reprit la route de Paris.

Que se passa-t-il ensuite ? Les relations ne sont point concordantes. D’après leur ensemble, je vois que Condorcet sollicita l’hospitalité seulement pour un jour ; que des difficultés, dont je ne me fais pas juge, empêchèrent M. et Mme Suard d’accueillir sa prière ; que, néanmoins, on convint qu’une petite porte de jardin donnant sur la campagne, et s’ouvrant en dehors, ne serait pas fermée la nuit ; que Condorcet pourrait s’y présenter, à partir de dix heures ; qu’enfin, au moment de congédier le malheureux proscrit, ses amis lui remirent les Épîtres d’Horace, triste ressource, en vérité, pour qui allait être obligé de chercher un refuge dans la profonde obscurité des carrières de Clamart.

Les anciens amis de Condorcet commirent, sans doute, la faute irréparable de ne pas présider eux-mêmes aux arrangements convenus. Un ou deux jours après, madame Vernet, parcourant en tout sens la campagne de Fontenay-aux-Roses, avec la pensée que sa présence pourrait y être utile, remarqua une motte de terre et une haute touffe de gazon, qui, adossées à la petite porte, prouvaient, hélas ! avec trop d’évidence, que depuis bien longtemps elle n’avait tourné sur ses gonds. Pendant ces nuits néfastes, il n’y eut de portes ouvertes que dans la rue Servandoni. Là, au n° 21, pendant toute une semaine, porte cochère, porte de boutique, porte d’allée, auraient cédé à la plus légère pression du doigt du fugitif. Dans la