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AMPÈRE.

plus que l’aiguille aimantée n’a ajouté aux progrès de la navigation. »

Personne n’oserait, sans doute, affirmer que le jeune Ampère envisagea la question de la langue universelle, avec la même généralité, la même profondeur que Descartes et Leibnitz ; mais on peut, du moins, remarquer qu’il n’en renvoya pas la solution, comme le premier de ces immortels philosophes, au pays des romans. Il ne se borna pas non plus, à l’exemple du second, à disserter sur les merveilleuses propriétés du futur instrument : cet instrument, il le créa ! Plusieurs des amis lyonnais d’Ampère ont tenu dans leurs mains une grammaire et un dictionnaire, fruits d’une infatigable persévérance, et qui renfermaient déjà le code à peu près achevé de la nouvelle langue ; plusieurs l’entendirent réciter des fragments d’un poëme, composés dans cette langue nouvelle, et rendent témoignage de son harmonie, la seule chose, à vrai dire, dont ils pussent juger, puisque le sens des mots leur était inconnu. Qui, d’ailleurs, parmi nous, ne se rappelle la joie qu’éprouva notre confrère, le jour où, en parcourant l’ouvrage d’un voyageur moderne, il découvrit, dans le vocabulaire de certaine peuplade africaine, diverses combinaisons auxquelles il s’était lui-même arrêté ? Qui ne remarqua aussi qu’un motif tout pareil fut le principal mobile de la vive admiration d’Ampère pour le sanscrit ?

Un travail parvenu à ce degré d’avancement ne doit pas être condamné à l’oubli. La réalisation par Ampère d’une pensée de Descartes et de Leibnitz, intéressera toujours et au plus haut degré les philosophes et les