Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dernière réflexion me ramène à Condorcet et à la femme admirable qui le cacha pendant plus de neuf mois.

On pouvait supposer que Cordorcet n’avait pas exactement mesuré toute la gravité, toute la portée de l’écrit qu’il publia après l’adoption de la Constitution de l’an ii. Le doute, maintenant, ne serait plus permis. Ce qui s’était offert à l’esprit du député de l’Aisne comme un devoir, il l’accomplit en présence du plus imminent danger. J’en ai découvert une preuve irrécusable : la publication de l’Adresse aux citoyens français sur la nouvelle Constitution coïncida avec les démarches qui assurèrent une retraite à l’auteur.

Dans l’atmosphère politique, aussi bien que dans l’atmosphère terrestre, il y a des signes avant-coureurs des orages, que les personnes exercées saisissent du premier coup d’œil, malgré ce qu’ils offrent d’indécis.

Condorcet, son beau-frère Cabanis, leur ami commun Vic-d’Azir, ne pouvaient s’y tromper. Après sa manifestation publique au sujet de la Constitution de l’an ii, la mise en accusation de l’ancien secrétaire de l’Académie des sciences était inévitable ; la foudre allait éclater sur sa tête ; il fallait sans retard chercher un abri.

Deux élèves de Cabanis et de Vic-d’Azir, qui, depuis, ont été l’un et l’autre des membres distingués de cette Académie, MM. Pinel et Boyer, songèrent au n° 21 de la rue Servandoni, où ils avaient demeuré.

Cette maison, d’environ 2,500 francs de revenu, ordinairement occupée par des étudiants, appartenait à la veuve de Louis-François Vernet, sculpteur, et proche parent des grands peintres. Madame Vernet, comme son