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Pendant que les armées françaises combattaient courageusement aux frontières, n’était-ce pas à l’intérieur qu’à travers d’incroyables difficultés, on créait, on improvisait, par des méthodes entièrement nouvelles, les armes, les munitions indispensables ? n’était-ce pas à l’intérieur que se préparaient les plans de campagne ; que le télégraphe naissait à point nommé, pour donner aux ordres venant de la capitale un ensemble, une rapidité, inespérés ? n’était-ce pas de l’intérieur que partait jusqu’à ce projet, réalisé à Fleurus, de faire servir les aérostats à nos triomphes ? n’était-ce pas à l’intérieur, enfin, que jaillissait la pensée de tant de brillantes institutions, gloire du pays et base de notre administration ; créations immortelles dont tous les gouvernements se sont crus obligés de copier les noms, quand, faute d’éléments, il leur a été impossible de reproduire les institutions elles-mêmes ?

Je déplore, je maudis autant que personne au monde, les actes sanguinaires qui souillèrent les années 1793 et 1794 ; mais je ne saurais me résoudre à n’envisager notre glorieuse révolution que sous ce douloureux aspect. Je trouve, au contraire, beaucoup à admirer, même au milieu des scènes les plus cruelles qui en ont marqué les diverses phases. Citerait-on, par exemple, aucune nation ancienne ou moderne, chez laquelle des victimes des deux sexes et de tous les partis aient fait preuve, au pied de l’échafaud, d’autant de résignation, de force de caractère, de détachement de la vie, qu’en ont montré nos malheureux compatriotes ? Il ne faut pas non plus oublier l’empressement intrépide que mirent tant d’honorables citoyens à secourir, à sauver, à quêter même des proscrits. Cette