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impolitique de ne pas tenir compte. Aussi, après les événements du 31 mai et du 2 juin, le parti conventionnel qui venait de triompher, jugea-t-il opportun de déférer sans retard au vœu de la population, de doter le pays de la Constitution depuis si longtemps promise ; mais il refusa de reprendre le plan de Condorcet. Cinq commissaires désignés par le comité de salut public, en tête desquels était Hérault de Séchelles, firent un plan nouveau. Le comité l’amenda et l’accepta en une seule séance. La Convention ne se montra guère moins expéditive. La Constitution, présentée le 10 juin 1793, fut décrétée le 24. Les cris d’allégresse des habitants de Paris et le bruit du canon fêtèrent ce grand événement.

La Constitution, aux termes du décret, devait être sanctionnée ou rejetée par les assemblées primaires, dans le court délai de trois jours à partir de celui de la notification.

C’est ici que se place un acte de Condorcet dont on n’appréciera la hardiesse qu’en reportant ses pensées sur la terrible période de nos annales qui suivit le 31 mai.

Sieyès, dans son intimité, appelait l’œuvre d’Hérault de Séchelles une mauvaise table de matières. Ce que Sieyès disait en secret, Condorcet osa l’écrire à ses commettants. Il fit plus : dans une lettre rendue publique, le savant célèbre proposa ouvertement au peuple de ne pas sanctionner la nouvelle Constitution. Ses motifs étaient nombreux et nettement exprimés :

« L’intégrité de la représentation nationale, disait Condorcet, venait d’être détruite par l’arrestation de vingt-sept membres girondins. La discussion n’avait pas