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« Occupez-vous un peu moins de vous-mêmes, et un peu plus de la chose publique. »

En temps d’agitations révolutionnaires, celui que les principes seuls passionnent, est bientôt accusé de faiblesse par tous les partis. Tel fut le sort de Condorcet. Voyez, d’une part, ce passage de madame Roland : à On peut dire de l’intelligence de Condorcet, en rapport avec sa personne, que c’est une liqueur fine imbibée dans du coton. » Voyez, de l’autre, le corps électoral de Paris, alors complétement jacobin, appelé à nommer ses représentants à la Convention ; il retire à Condorcet le mandat dont il l’avait investi pour l’Assemblée législative.

Bientôt, dans cette même Convention où cinq départements, à défaut de celui de la Seine, appelèrent Condorcet, nous verrons si on ne peut pas être à la fois de coton, pour les questions de personnes, et de bronze pour les questions de principes.

Condorcet figura parmi les juges de Louis XVI. Je sais que, par une sorte de convention tacite, il est d’usage de considérer cette période de notre histoire comme un terrain brûlant sur lequel on ne saurait s’arrêter sans imprudence. Je crois une pareille réserve fâcheuse. Le mystère dans lequel on s’enveloppe tend à faire penser qu’à l’éternelle honte du caractère national, aucune vue patriotique, aucun acte de courage, aucune idée élevée, aucun sentiment de justice, ne se firent jour pendant la longue durée du drame lugubre.

La portion nombreuse du public à qui le Moniteur et les autres sources officielles sont interdits, à cause de leur haut prix ou de leur rareté, ne connaît déjà plus cette