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rapportait qu’à l’issue du scrutin, d’Alembert s’était écrié en pleine Académie : « Je suis plus content d’avoir gagné cette victoire que je ne le serais d’avoir trouvé la quadrature du cercle. »

La défaveur que cette nomination fit rejaillir sur Condorcet (l’expression non déguisée de cette défaveur se lit dans la plupart des écrits de l’époque), m’a paru vraiment inexplicable. Les titres littéraires de Bailly avaient-ils donc une supériorité tellement évidente, qu’on ne pût consciencieusement leur préférer ceux du secrétaire de l’Académie des sciences ? Des rêveries relatives à un ancien peuple qui nous aurait tout appris, disait malicieusement d’Alembert, excepté son nom et celui du lieu qu’il habitait, primaient-elles de haute lutte des appréciations savantes, ingénieuses, souvent élégantes, des œuvres de nos contemporains ?

En tout cas, s’il était vrai que Condorcet se fût trompé sur ses droits au fauteuil académique, il aurait cédé à une illusion bien naturelle. Dans la Correspondance inédite de Voltaire, que j’ai si souvent citée, je lis à la date de 1771 : « Il faut que vous nous fassiez l’honneur d’être de l’Académie française. Nous avons besoin d’hommes qui pensent comme vous. »

Regarde-t-on cette invitation comme une politesse sans conséquence ? Je franchis un intervalle de cinq années, et le 26 février 1776, je trouve dans une autre lettre de l’illustre poëte :

« Soyez de notre Académie. Votre nom et votre éloquence imposeront du moins à la secte des sicaires qui s’établit dans Paris, »