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Voltaire fit réimprimer à ses frais, en 1778, le livre qui a fait naître ces remarques. Jusque-là, il n’avait reçu qu’une demi-publicité. Voltaire, au faîte de la gloire, devint l’éditeur et le commentateur du jeune secrétaire de l’Académie des sciences ! C’était pour Condorcet un honneur infmi, justifié d’ailleurs par le mérite de son opuscule. Me tromperais-je, cependant, si je supposais qu’il se mêlait, à ces légitimes hommages de l’auteur du Dictionnaire philosophique, un peu d’animosité contre l’écrivain janséniste ; que l’auteur de la Henriade, de Mérope et de tant d’admirables poésies légères, voyait avec une secrète joie attaquer l’infaillibilité de l’homme qui, placé aux premiers rangs parmi les prosateurs, avait osé dire, même après la publication du Çid et de Cinna, que toute poésie n’était en réalité qu’un jargon ?

Un peu de passion devait conduire la plume de l’illustre poëte, lorsque, dans son appréciation d’un ouvrage où l’éloge est toujours si franc et la critique toujours si modérée, il disait à Condorcet : « Vous avez montré le dedans de la tête de Sérapis, et on y a vu des rats et des toiles d’araignées. »

Dans l’édition que Condorcet a donnée de Pascal, on lit cette pensée si souvent reproduite :

« Parlons selon les lumières naturelles. S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque, n’ayant ni principes ni bornes, il n’a nul rapport à nous ; nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. »

Le membre de phrase ni s’il est ne se trouvait pas dans les plus anciennes éditions des œuvres de l’illustre