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améliorations qu’il avait conçues comme simple citoyen ; lorsque le contrôleur général des finances se trouva en face de la cupidité des courtisans, de la morgue des parlements et de l’esprit de routine de presque tout le monde ; lorsque des soulèvements redoutables eurent fait naître des doutes sur la bonté de ses plans, Condorcet ne resta pas simple spectateur de la lutte ; il s’y mêla, au contraire, avec une ardeur extrême.

C’est à la réfutation de l’ouvrage de Necker contre la libre circulation des grains qu’il consacra plus spécialement sa plume. Une première fois, il adopta la forme ironique, dans la prétendue Lettre d’un laboureur de Picardie à M. Necker prohibitif. Voltaire, à cette occasion, écrivait à notre confrère, le 7 août 1775 :

« Ah ! la bonne chose, la raisonnable chose, et même la jolie chose que la Lettre au prohibitif. Cela doit ramener tous les esprits, pour peu qu’il y ait encore à Paris du bon sens et du bon goût. »

Je n’oserai pas dire que le bon goût et le bon sens avaient déserté la capitale ; mais je sais que la spirituelle Lettre au prohibitif ramena peu de monde, et que Condorcet se crut obligé de publier une nouvelle réfutation plus détaillée, plus méthodique, plus complète, de l’ouvrage du célèbre et riche banquier genevois.

Ce second écrit était modestement intitulé ; Réflexions sur le commerce des blés. L’auteur y étudiait, successivement, comment les subsistances se reproduisent, et comment on peut réparer la différence qui se manifeste quelquefois dans les récoltes d’un lieu à l’autre ; la manière dont se règlent, dont se proportionnent les salaires. Il