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si ouverte aujourd’hui à la controverse, sur lequel Turgot et Condorcet aient différé, même par d’imperceptibles nuances.

Ils étaient persuadés l’un et l’autre qu’en matière de commerce, « une liberté entière et absolue est la seule loi utile et même juste ; » ils croyaient que la protection accordée « à un genre particulier d’industrie nuit à leur ensemble ;… » que les précautions minutieuses dont les législateurs avaient cru devoir surcharger leurs règlements, fruits de la timidité et de l’ignorance, étaient, sans compensation aucune, la source de gênes, de vexations intolérables et de pertes réelles.

Turgot et Condorcet s’unirent plus étroitement encore, si j’ose le dire, sur la question spéciale du commerce des grains. Ils soutinrent que l’entière liberté de ce commerce était également utile aux propriétaires, aux cultivateurs, aux consommateurs, aux salariés ; que d’aucune autre manière on ne pouvait réparer l’effet des disettes locales, faire baisser les prix moyens et diminuer l’échelle des variations, objet plus important encore, car les prix moyens servent à régler les salaires des ouvriers. Si ces principes rigoureux étaient une invitation formelle à ne jamais céder aux clameurs désordonnées, aux préjugés populaires, d’une autre part, les deux économistes proclamaient hautement que, dans les temps de disette, le gouvernement doit des secours aux pauvres. Ces secours, ils ne voulaient pas les accorder en aveugle ; ils auraient été le prix d’un travail.

Turgot et son ami professaient la maxime qu’il existe, pour tous les hommes, des droits naturels qu’aucune loi