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Zaïre… Je ne connais votre pièce que par ouï-dire ; mais ceux qui l’ont lue m’assurent qu’à propos de M. et Mme L’Enveloppe (M. et Mme Necker) vous parlez de Caton. Cela me rappelle un jeune étranger qui me disait : J’ai vu trois grands hommes en France : M. de Voltaire, M. d’Alembert et M. l’abbé de Voisenon. »

Un seul exemple d’indépendance, de loyale franchise, ne suffirait pas ; qu’on me permette d’autres citations.

Voltaire voulait faire jouer à Paris la tragédie qu’il avait composée dans son extrême vieillesse : Irène. Condorcet, craignant un échec, résistait aux instances pressantes qui lui arrivaient de Ferney, en s’appuyant sur des critiques judicieuses et fermes, tempérées par des paroles respectueuses à travers lesquelles on découvre toujours le disciple s’adressant à son maître. Voici, par exemple, ce que je lis dans une lettre de la fin de 1777 : « Songez, Monsieur, songez que vous nous avez accoutumés à la perfection dans les mouvements, dans les caractères, comme Racine nous avait accoutumés à la perfection dans le style… Si nous sommes sévères, c’est votre faute. »

Condorcet était un profond géomètre. Il appartenait à cette classe d’hommes d’études qui, sur la foi de quelques ana, n’assistent à la représentation des plus belles tragédies de Corneille, de Racine, que pour s’écrier à chaque scène : Qu’est-ce que cela prouve ? Voltaire devait donc tenir peu de compte des remarques d’un critique si incompétent. Écoutez, et jugez :