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supérieurs nés dans le pays. Elle montrera, par exemple, un Italien, Boscowich, pourvu d’une immense pension par les mêmes ministres qui refusaient à d’Alembert, malgré son génie et l’autorité des règlements, la réversibilité de 1200 livres de rente provenant de la succession de Clairaut. On verra, enfin, chose incroyable, ce même personnage que Lagrange et d’Alembert traitaient avec le plus grand dédain dans les lettres que j’ai sous les yeux, vouloir entrer à l’Académie sans attendre une vacance, et être sur le point de réussir, grâce à l’admiration niaise qu’on a constamment professée dans cette capitale, pour tout homme dont le nom à une terminaison étrangère.

Jusqu’en 1770, Condorcet avait paru vouloir se borner exclusivement aux études mathématiques et économiques. À partir de cette année, il se jeta aussi dans le tourbillon littéraire. Personne n’hésitera sur la cause de cette résolution, quand on aura remarqué qu’elle suivit de trèsprès, par la date, le voyage que d’Alembert et Condorcet firent à Ferney.

À son retour, le jeune académicien de vingt-sept ans écrivait à Turgot, intendant du Limousin : « J’ai trouvé Voltaire si plein d’activité et d’esprit qu’on serait tenté de le croire immortel, si un peu d’injustice envers Rousseau, et trop de sensibilité au sujet des sottises de Fréron, ne faisaient apercevoir qu’il est homme… » À l’occasion de quelques articles du Dictionnaire philosophique, alors inédit, articles dont l’importance ou l’originalité pouvaient être l’objet d’un doute, Condorcet disait dans une lettre : « Voltaire travaille moins pour sa gloire que pour sa cause.