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siècle, a consacrés à ces applications des mathématiques. On y verra, j’ose le dire, avec stupéfaction, le rhéteur accuser notre confrère de vouloir toujours se passer de témoins, et même de preuves écrites ; de prétendre les remplacer avantageusement par des formules analytiques. Au lieu de lui renvoyer les expressions si peu académiques : c’est un emploi « souverainement ridicule de la science ; » c’est une conquête « extravagante de la philosophie révolutionnaire ; cela démontre qu’on peut délirer en mathématiques, » chacun s’affligera de voir qu’un homme d’un talent réel soit tombé dans de si incroyables erreurs. Ce sera, au reste, une nouvelle preuve qu’il n’est permis à personne, pas même aux académiciens, de parler impunément de ce qu’ils n’ont pas étudié.

Je l’avouerai, les écrits mathématiques de Condorcet manquent de cette clarté élégante qui distingue à un si haut degré les Mémoires d’Euler et de Lagrange. D’Alembert, qui, lui-même, sous ce rapport, n’était pas entièrement irréprochable, avait vivement engagé notre ancien secrétaire, mais sans grand succès, à songer un peu plus à ses lecteurs. En mars 1772 il écrivait à Lagrange : « Je voudrais bien que notre ami Condorcet, qui a de la sagacité, du génie, eût une autre manière de faire ; apparemment, il est dans la nature de son esprit de travailler dans ce genre. »

Une pareille excuse a plus de fondement qu’on ne serait peut-être disposé à le croire. Euler, d’Alembert, Lagrange, avec un égal génie mathématique, avaient, en effet, des manières de travailler entièrement différentes.

Euler calculait sans aucun effort apparent, comme les