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ques. Pour comprendre que les tribunaux civils et criminels doivent être constitués de manière qu’un innocent coure très-peu de risques d’être condamné ; pour comprendre aussi que les chances d’une condamnation injuste seront d’autant moindres que le jugement devra être rendu à une plus grande majorité, il suffit des sentiments d’humanité les plus ordinaires et des simples lumières naturelles. Le problème devient plus compliqué, s’il s’agit de concilier la juste garantie qu’il faut assurer aux innocents, avec le besoin qu’éprouve la société de ne pas laisser échapper trop de coupables ; alors la simple raison ne conduit plus qu’à des résultats vagues ; le calcul seul peut leur donner de la précision.

Répétons-le, il y a, dans les décisions judiciaires, certaines faces, certains points de vue du ressort du calcul. En portant dans ce dédale le flambeau de l’analyse mathématique, Condorcet n’a pas seulement fait preuve de hardiesse : il a de plus ouvert une route entièrement nouvelle. En la parcourant d’un pas ferme, mais avec précaution, les géomètres doivent découvrir dans l’organisation sociale, judiciaire et politique des sociétés modernes, des anomalies qu’on n’a pas même soupçonnées jusqu’ici.

Il est de toute évidence que, dans ses incursions sur le domaine de la jurisprudence, le calcul des probabilités a uniquement pour objet de comparer numériquement les décisions obtenues à telle ou telle majorité ; de trouver les valeurs relatives de tel ou tel nombre de témoignages ; je puis donc signaler avec sévérité à la conscience publique les passages que La Harpe, dans sa Philosophie du xviiie