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brève et en même temps si expressive qu’un célèbre ministre de Suède s’était choisie :

Heureux enfin ! (Tandem felix ! )



MORT D’AMPÈRE.


Ampère partit de Paris, très-souffrant, le 17 mai 1836. Ses amis étaient cependant pleins de confiance. Ils se rappelaient que le climat du Midi lui avait déjà une fois rendu la santé. M. Bredin, qui alla à sa rencontre à Saint-Étienne, ne partagea pas ces illusions. Le savant directeur de l’École vétérinaire de Lyon vit dans les habitudes corporelles d’Ampère l’empreinte de la décrépitude. Tout lui parut altéré dans sa figure ; tout, jusqu’à la forme osseuse du profil. La seule chose qui n’eût pas changé, et celle-là devait avoir la plus fatale influence sur une santé déjà si délabrée, c’était l’intérêt passionné, immodéré, que prenait l’illustre académicien à tout ce qui, du nord au sud, du levant au couchant, lui semblait pouvoir améliorer les conditions actuelles de l’espèce humaine. L’affreuse toux qui minait notre ami, sa voix profondément altérée, sa grande faiblesse, commandaient un silence, un repos absolu. La personne la plus indifférente se serait fait un scrupule de l’exciter à prononcer dix paroles ; et cependant, dès que M. Bredin eut commencé à décliner une discussion minutieuse, difficile, sur des changements projetés dans le second volume de l’Essai sur la philosophie et la classification des sciences, Ampère s’emporta avec une extrême violence. « Ma santé ! ma santé ! s’écria-t-il, il s’agit bien de ma santé ! Il ne doit