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des éléments de réussite. Vos salutations sont-elles très profondes, cette marque de déférence devrait vous valoir des remercîments ; elle excite, au contraire, des éclats de rire.

Quelques bizarreries, l’ignorance du monde, ce que dans notre société tout artificielle, on appelle un manque de tenue, n’empêchaient pas assurément qu’Ampère ne fût un des savants les plus perspicaces, les plus ingénieux de notre époque ; mais, on doit l’avouer, les leçons en souffraient ; mais les forces d’un homme de génie auraient facilement reçu un emploi plus judicieux, plus utile ; mais la science elle-même, dans sa juste susceptibilité, pouvait regretter qu’un de ses plus nobles, de ses plus glorieux représentants, se trouvât exposé aux plaisanteries d’une jeunesse étourdie et de quelques désœuvrés.

Dans le chapitre xvii du second livre des célèbres Essais, Montaigne faisait sa confession en ces termes : « Je ne sais compter ni à jet, ni à plume ; la plupart de nos monnoyes, je ne les connois pas, ni ne sai la différence de l’un grain à l’autre, ni en terre, ni en grenier, si elle n’est pas trop apparente ; ni à peine celle d’entre les choux et les laitues de mon jardin… j’entends moins encore en la trafique, en la connoissance des marchandises. »

Ampère, très-habile botaniste, n’aurait pas confondu les choux et les laitues, mais il était aussi peu avancé que le philosophe de Périgueux en la trafique des marchandises. Témoin l’étonnement naïf qu’il éprouva, le jour où, voulant s’initier quelque peu aux affaires de son petit ménage, il vit figurer 50 francs de persil dans la dépense