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main gauche dans un nœud de ficelle, qu’il serrait fortement pour aiguillonner la pensée ou l’expression ; témoin encore un de nos plus éloquents prosateurs, qui parle aussi bien qu’il écrit, mais alors seulement que sa jambe droite a pu s’enrouler autour de sa jambe gauche, comme le serpent de Troye autour des bras du Laocoon.

Recueillons tous ces faits. Leur singularité même doit nous y exciter ; mais gardons-nous d’en tirer des conclusions prématurées contre tel ou tel mode d’éducation. Parmi les personnages illustres dont le nom vient de se placer sous ma plume, il n’en est pas deux, en effet, qui, pendant leur enfance, se soient trouvés dans des circonstances analogues.

Je serais moins réservé s’il fallait m’expliquer au sujet de quelques autres habitudes de notre confrère, qui, elles aussi, ont plus ou moins réagi sur sa destinée. Envoyez Ampère, pendant sa première jeunesse, dans la plus humble école de village, et vous verrez combien son caractère et ses habitudes seront modifiés. Il apprendra que des ciseaux n’ont jamais été un moyen de tailler convenablement une plume, et que l’écriture en gros n’est pas le but final de la calligraphie. Déjà membre de l’Institut, il ne recevra pas d’un savant étranger, plein d’esprit et de malice, une invitation à dîner contenue tout entière dans le contour de la première lettre de sa signature. Il saura que ceux qui tracent rapidement, commodément l’écriture cursive, remuent les doigts et non le bras ; et, à toutes les époques de sa vie, écrire cessera d’être pour lui un exercice corporel, accompagné de souffrances intolérables. Les camarades d’école d’Am-