Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 13.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je prends une petite lunette prismatique ; j’en ôte l’oculaire et je ramène le prisme de cristal de roche près de l’œil ; la lumière qui passe au travers de la petite ouverture que je laisse à l’objectif se décompose en deux images circulaires en partie superposées les deux lunules ou croissants qui débordent sont également vifs si la lumière incidente n’est pas modifiée ; ils ont des intensités différentes si les rayons étaient polarisés ; dans ce dernier cas, et comme je l’ai montré dans une autre circonstance, si je place une plaque de cristal de roche devant l’objectif, les deux croissants se teindront de couleurs très-vives complémentaires, et qui changeront si l’on fait tourner la lunette.

« Supposons maintenant qu’à l’aide de ce dernier appareil on examine la lumière réfléchie par un miroir de verre ; les deux lunules seront colorées et le reste du champ sera blanc ; qu’on intercepte ensuite la lumière qui tombait sur la première surface du miroir, en sorte que l’objectif ne soit plus maintenant éclairé que par la portion de lumière qui a traversé la glace, les croissants seront encore colorés, mais les teintes seront opposées aux premières ; ainsi celui qui était rouge par les rayons réfléchis deviendra vert par la lumière transmise, et réciproquement, celui qui d’abord était vert se colorera maintenant en rouge. Les couleurs que fournit la lumière réfléchie sont extrêmement vives ; celles qu’on aperçoit à l’aide des rayons transmis le semblent beaucoup moins.

« Pour savoir si cette différence doit être attribuée à ce que la lumière transmise serait composée d’une moins grande quantité de rayons polarisés, ou si elle dépend seulement des rayons non polarisés qu’elle contient, le moyen qui se présente immédiatement c’est de recevoir à la fois, dans la lunette, les rayons réfléchis et les rayons transmis, en ayant toutefois l’attention de rendre les deux faisceaux incidents également vifs. Ces deux classes de rayons donnant des teintes complémentaires, comme nous l’avons dit plus haut, ces teintes se neutraliseront complètement si le faisceau transmis et le faisceau réfléchi contiennent le même nombre de rayons polarisés ; dans tout autre cas les lunules seront colorées, et l’ordre de la distribution des teintes indiquera quel est celui des deux faisceaux qui se compose d’un plus grand nombre de rayons polarisés. Or, cette expérience est très-aisée à faire. Pour cela, je me suis placé avec mon appareil à un ou deux pieds d’une muraille uniformément éclairée. Après m’être assuré que les rayons qu’elle réfléchissait ne présentaient pas la moindre trace de coloration, j’ai placé un miroir de verre à faces parallèles devant l’ob-