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et chaussées ou, des mines, ni comme officiers d’artillerie ou du génie ni comme constructeurs de vaisseaux ou officiers de notre flotte nationale. Renoncez, leur dit-on, renoncez de bonne grâce aux espérances que vous aviez conçues.

Après avoir entendu cette sentence fatale, les malheureux jeunes gens promènent autour d’eux des regards scrutateurs, des regards inquiets. Il vont frapper à la porte de mille et mille établissements où l’industrie fait subir tant de transformations merveilleuses aux matières premières ; ils assiègent, soir et matin, les usines appartenant à des compagnies ou à de simples particuliers ; ils demandent partout, à cor et à cris, des travaux qui puissent les occuper honorablement. Hélas ! les plus modestes positions sont prises ; à notre époque le monde est encombré de producteurs intelligents. Chaque élève, le découragement dans l’âme, s’achemine alors tristement vers sa ville natale. Des parents affectueux l’y attendent, mais le bonheur inséparable d’une réception cordiale n’est pas de longue durée. Bientôt, en effet, le pauvre licencié découvre que, pour lui donner un état, on s’était cotisé ; que le prix de la pension dans les collèges et à l’école, que le prix des trousseaux avaient épuisé les dernières ressources de sa famille ; qu’un père âgé, qu’une mère infirme avaient même un peu compté sur les secours du futur officier ou du futur ingénieur pour soutenir leurs vieux jours.

Tel était le sombre tableau qui, le vendredi 16 août, se déroulait rapidement à mes yeux au moment où une députation des élèves prenait place dans mon cabinet,