Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 12.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de donner quelques renseignements personnels qui seront peut-être de nature à engager le gouvernement à entrer dans une voie où il trouvera les moyens d’accroître les revenus de la colonie et de diminuer ses dépenses.

Je crois qu’il est possible de tirer parti des Arabes pour opérer la civilisation de l’Algérie, et surtout pour s’assurer la possession du pays. On s’imagine que ce peuple a des défauts insurmontables. Je sais, pour l’avoir éprouvé moi-même, qu’il est susceptible des plus nobles sentiments.

J’étais en Espagne en 1808, occupé d’une opération scientifique, de la mesure du méridien. Vous savez qu’à cette époque, dans un moment d’exaltation, les Espagnols massacraient presque tous les Français. Je fus obligé de me sauver, et, quoique cela puisse paraître extraordinaire, c’est la ville d’Alger, qui devint mon refuge. Peu de temps après mon arrivée en Afrique, je m’embarquai sur un bâtiment armé en corsaire qui allait à Marseille. Les voyages de mer étaient alors très-périlleux pour les Français. Le consul d’Autriche me donna un passeport sous un nom supposé. J’étais censé de Swecut en Hongrie. Nous partîmes ; mais le bâtiment fut pris près des côtes de Provence par un corsaire espagnol. On transporta tout l’équipage dans la ville de Rosas, dont les Français vinrent faire le siège peu de temps après. Le bâtiment sur lequel j’étais avait été arrêté contre le droit des gens ; mais les Espagnols, pour s’emparer de la cargaison, argumentant de la facilité avec laquelle je parlais leur langue, soutinrent que le bâtiment m’appartenait, que j’étais un Espagnol transfuge.