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Je pourrais citer aussi un autre de nos confrères non moins célèbre, à qui certain personnage demandait un jour devant moi par quel secret il avait traversé sans encombre les terribles époques de nos discordes civiles : « Tout pays en révolution, répondit-il, est une voiture dont les chevaux ont pris le mors aux dents ; vouloir arrêter les chevaux, c’est courir de gaieté de cœur à une catastrophe ; celui qui saute de la voiture s’expose à être broyé sous les roues ; le mieux est de s’abandonner au mouvement en fermant les yeux, ainsi ai-je fait ! »

Dans l’ouvrage dont l’analyse m’a entraîné plus loin que je ne le prévoyais, Carnot a consacré quelques lignes à la question du mouvement perpétuel. Il fait voir non-seulement que toute machine, quelle qu’en soit la forme, abandonnée à elle-même s’arrêtera, mais il assigne encore l’instant où cela doit arriver.

Les arguments de notre confrère sont excellents ; aucun géomètre n’en contestera la rigueur : faut-il espérer, toutefois, qu’ils dessécheront dans leur germe les nombreux projets que chaque année, je me trompe, que chaque printemps voit éclore ?

Voilà ce dont on ne saurait se flatter. Les faiseurs de mouvements perpétuels ne comprendraient pas plus l’ouvrage de Carnot, que les inventeurs de la quadrature du cercle, de la trisection de l’angle, n’entendent la géométrie d’Euclide. De la science, ils n’en ont pas besoin : leur découverte, ils la doivent à une inspiration soudaine, surnaturelle. Aussi, rien ne les décourage, rien ne les détrompe ; témoin cet artiste, d’ailleurs fort estimable, qui sans se douter de ce qu’il y avait de naïvement bur-