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littérateur, un artiste, peuvent ne pas les envier, mais ils ne doivent souffrir à aucun prix qu’on les en déclare indignes. Telle est, du moins, la pensée qui m’a suggéré la discussion que je vais soumettre à vos lumières.

N’est-ce pas une circonstance vraiment étrange qu’on se soit avisé de soulever les prétentions orgueilleuses que je combats, précisément à l’occasion de cinq statues qui n’ont pas coûté une seule obole au trésor public ? Loin de moi, cependant, le projet de profiter de cette maladresse. J’aime mieux prendre la question dans sa généralité, telle qu’on l’a posée : la prétendue prééminence des armes sur les lettres, sur les sciences, sur les arts ; car, il ne faut pas s’y tromper, si l’on a associé des magistrats, des administrateurs aux hommes de guerre, c’est seulement comme un passe-port.

Le peu de temps qu’il m’est permis de consacrer à cette discussion m’impose le devoir d’être méthodique. Pour qu’on ne puisse pas se méprendre sur mes sentiments, je déclare d’abord bien haut que l’indépendance, que les libertés nationales sont à mes yeux les premiers des biens ; que les défendre contre l’étranger ou contre les ennemis intérieurs est le premier des devoirs ; que les avoir défendues au prix de son sang est le premier des titres à la reconnaissance publique. Élevez, élevez de splendides monuments à la mémoire des soldats qui succombèrent sur les glorieux remparts de Mayence, dans les champs immortels de Zurich, de Marengo, et certes mon offrande ne se fera pas attendre ; mais n’exigez pas que je fasse violence à ma raison, aux sentiments que la nature a jetés dans le cœur humain ; n’espérez pas que