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REMARQUES

SUR

LE SEPTIEME LIVRE.


(1) Ont nommé la Fortune aveugle. Les Payens regardoient la fortune comme une divinité, dont dépendoient tous les événemens heureux ou malheureux. Les Grecs lui avoient élevé plusieurs temples. Le premier qu’elle eut à Rome lui fut consacré par Ancus Martius, avec ce titre : Fortunæ virili, à la Fortune virile et courageuse, parce qu’il ne faut guères moins de bonheur que de courage pour remporter des victoires. Servius Tullius lui en dédia un autre au Capitole, sous le titre de Primigenia. Dans la suite elle en eut un grand nombre sous plusieurs noms différens. On éleva aussi sur le mont Esquilin un temple à la mauvaise fortune.

Les philosophes disoient que la fortune étoit aveugle et insensée. Aveugle, parce qu’elle répand ordinairement ses faveurs à des gens qui en sont indignes, et qu’elle n’a aucuns égards pour le mérite. Insensée, parce qu’elle est volage, que rien ne peut la fixer, et qu’elle-même détruit son ouvrage à tous momens.

Pourquoi, dit Aristote dans ses Problêmes, les richesses sont-elles plus ordinairement le partage des méchans, que des gens de bien ? est-ce parce que la fortune est aveugle, et qu’elle ne peut faire un bon choix ? M. Tullius dans Lælius, dit, que la fortune est non-seulement aveugle, mais qu’elle aveugle ceux à qui elle s’attache. Cette divinité avoit une statue à Athènes, qui tenoit entre ces bras Plutus, Dieu des richesses. On la voit encore dans des médailles, comme une déesse, les pieds sur un globe, qui tient d’une main une corne d’abondance, et de l’autre un gouvernail de navire, pour signifier qu’elle gouverne tout le