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qualité, et qu’on n’en trouvoit point d’autre, il fallut, à force d’argent, obtenir une malheureuse qui avoit été condamnée par le gouverneur de la province à être exposée aux bêtes. Voici son histoire à peu près telle que je l’entendis conter dans ce temps-là.

Le père d’un jeune homme qu’elle avoit épousé, étant prêt de partir pour un grand voyage, ordonna à sa femme, qui étoit grosse, de faire périr son enfant (12), si-tôt qu’il seroit né, en cas que ce ne fût pas un garçon. Cette femme, pendant l’absence de son mari, mit une fille au monde. La tendresse naturelle de la mère s’opposant à l’exécution de l’ordre qu’elle avoit reçu, elle la fit élever dans son voisinage. Quand son époux fut de retour, elle lui dit qu’elle étoit accouchée d’une fille, et qu’elle l’avoit fait mourir. Cependant, au bout de quelques années que cette fille fut venue en âge d’être mariée, sa mère voyant bien qu’elle ne pouvoit pas lui donner un établissement convenable à sa condition, sans que son mari le sût ; tout ce qu’elle put faire, fut de découvrir son secret à son fils, d’autant plus qu’elle craignoit extrêmement, qu’emporté par le feu de sa jeunesse, il ne séduisît cette jeune fille, ne sachant point qu’elle fût sa sœur, comme elle ignoroit aussi qu’il fût son frère.

Ce jeune homme qui étoit fort bien né, s’acquitta religieusement de son devoir envers sa mère, en lui gardant un secret inviolable, et envers sa