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me présentoient, pour m’éprouver, tout ce qu’ils croyoient de plus contraire au goût d’un âne, comme des viandes apprêtées avec du benjoin, de la volaille saupoudrée de poivre, et du poisson accommodé avec une sausse extraordinaire (9). Pendant ce temps-là, la salle retentissoit des éclats de rire que chacun faisoit, de voir que je trouvois tout cela fort bon.

Un plaisant qui se trouva là, s’écria, qu’il falloit donner un peu de vin à ce convive. Ce pendart ne dit pas mal, répondit le maître du logis, il se peut fort bien faire que notre camarade boira avec plaisir un coup de bon vin. Hola, garçon, continua-t-il, lave bien ce vase d’or, remplis-le de vin, et va le présenter à mon parasite, en l’avertissant en même-temps que j’ai bu à sa santé. Chacun resta attentif à ce que j’allois faire ; et moi, sans m’étonner, alongeant le bout des lèvres, je vuide avec plaisir, sans me presser, et d’un seul trait, cette grande coupe qui étoit pleine. Dans le moment, tous les spectateurs, d’une voix unanime, firent des vœux pour ma conservation ; et le maître de la maison, plein d’une joie extraordinaire, fit venir ses deux domestiques qui m’avoient acheté, et ordonna qu’on leur rendît quatre fois la somme que je leur avois coûté. En même-temps il me donna en garde à un de ses affranchis, qu’il aimoit beaucoup, et qui étoit fort riche, et lui ordonna d’avoir un très-grand soin de moi.