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linceuls de ses funérailles. Ainsi les crimes de ce méchant esclave, et de cette femme, encore plus méchante que lui, étant entièrement découverts, la vérité parut dans toute sa force aux yeux du public. La marâtre fut condamnée à un exil perpétuel ; l’esclave fut pendu, et les écus d’or furent laissés, du consentement de tout le monde, à ce bon médecin, pour le prix du somnifère qu’il avoit donné si à propos. C’est ainsi que, d’une manière digne de la providence des Dieux, se termina la fameuse et tragique avanture de ce bon père de famille qui, en peu de temps, ou plutôt dans un seul instant, retrouva ses deux fils, après avoir été sur le point de les perdre l’un et l’autre.

Pour ce qui est de moi, vous allez voir de quelle manière la fortune me ballottoit dans ce temps-là. Ce soldat qui m’avoit acheté, sans que personne m’eût vendu à lui, et qui m’avoit acquis, sans bourse délier, étant obligé d’obéir à son colonel, qui l’envoyoit à Rome porter des lettres à l’Empereur, me vendit onze deniers à deux frères qui servoient un grand seigneur du voisinage. L’un étoit fort bon pâtissier, et l’autre excellent cuisinier. Comme ils étoient logés ensemble, ils vivoient en commun, et m’avoient acheté pour porter quantité de vaisseaux et d’ustenciles qui leur servoient à plusieurs usages lorsqu’ils voyageoient. Je fus donc pris par ces deux frères, pour troisième camarade. Je n’avois point