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après avoir mangé son déjeûné, trouve par hasard le vase plein de ce vin empoisonné, et le vuide d’un seul trait. A peine eut-il bu cette liqueur mortelle, qu’on avoit destinée pour son frère, qu’il expire sur le champ.

Son précepteur épouvanté d’une mort si subite, donne l’alarme à la mère de l’enfant, et à toute la maison, par ses cris douloureux ; et chacun jugeant que ce malheur étoit l’effet du poison, les uns et les autres accusent diverses personnes d’un crime si noir. Mais cette maudite femme, l’exemple le plus grand de la méchanceté des marâtres, sans être touchée de la mort prématurée de son enfant, ni des reproches que sa conscience devoit lui faire, ni de la destruction de sa famille, ni de l’affliction que causeroit à son mari la perte de son fils, se servit de ce funeste accident pour hâter sa vengeance ; et dans le moment elle envoya un courrier après son mari (3), pour lui apprendre la désolation de sa maison. Le bonhomme revint sur ses pas en diligence. Si-tôt qu’il fut arrivé, sa femme s’armant d’une effronterie sans pareille, lui assure que son enfant a été empoisonné par son beau-fils. Il est vrai qu’elle ne mentoit pas tout-à-fait, puisque ce jeune enfant avoit prévenu par sa mort celle qui étoit préparée pour son frère qui, par conséquent, en étoit la cause innocente. Elle dit encore à son mari, que l’aîné s’étoit porté à commettre ce crime, parce