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Ce pauvre malheureux, qui d’ailleurs étoit un bon et honnête homme, se voyant dépouillé de son bien, par l’avidité de son puissant voisin, assembla, en tremblant de peur, plusieurs de ses amis, afin qu’ils rendissent témoignages des limites de son champ, et qu’il pût au moins lui rester de quoi se faire enterrer dans l’héritage de ses pères. Les trois frères, dont nous avons parlé, s’y trouvèrent entre autres, pour secourir leur ami dans son infortune, en ce qui pouvoit dépendre d’eux ; mais ce jeune furieux, sans être étonné ni confus de la présence de tant d’honnêtes gens, ne voulut rien rabattre de son injustice, ni même de ses insolens discours ; car, pendant qu’ils se plaignoient avec douceur de son procédé, et qu’ils tâchoient d’adoucir son emportement, à force d’honnêtetés et de soumission, il se mit tout d’un coup à jurer par lui-même, et par ce qu’il avoit de plus cher, qu’il ne se mettoit nullement en peine de la présence de tant de médiateurs, et qu’il feroit prendre par les oreilles l’homme pour qui ils s’intéressoient, et le feroit jetter sur l’heure même par ses valets, bien loin hors de sa petite maison.

Ce discours offensa extrêmement toute la compagnie, et l’un des trois frères lui répondit avec assez de liberté, que c’étoit en vain que, se confiant en ses richesses, il faisoit de pareilles menaces, avec un orgueil de tyran, puisqu’il y avoit des lois qui