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dispose un fort grand repas : en un mot, elle attend cet amant, comme si c’eût été un Dieu. Heureusement pour elle, son mari étoit sorti, et devoit souper chez un foulon de ses voisins. L’heure de midi approchant, l’on me détacha du moulin pour me faire dîner ; mais ce qui me faisoit le plus de plaisir, ce n’étoit pas de ne point travailler, c’étoit de ce qu’ayant la tête découverte, et les yeux libres, je pouvois voir tout le manège de cette méchante femme. Enfin, quand la nuit fut venue, la vieille arriva, ayant à côté d’elle cet amant tant vanté. Il étoit extrêmement jeune, et fort beau garçon. La meunière le reçut avec toutes les caresses imaginables ; et le souper étant prêt, elle le fit mettre à table.

Mais, à peine eut-il touché du bout des lèvres la liqueur dont on boit avant le repas (18), qu’ils entendent le mari qui arrivoit bien plutôt qu’on ne l’attendoit. Cette brave femme lui donnant toutes sortes de malédictions, et souhaitant qu’il se fût rompu les jambes, cache le jeune homme, pâle et tremblant, sous un van dont on se servoit à séparer les autres grains d’avec le froment qui se trouva-là par hasard, et dissimulant son crime avec son artifice ordinaire, elle demande à son mari, d’un air tranquille, et comme une personne qui ne craint rien, pourquoi il étoit revenu si-tôt de chez son ami, avec qui il devoit souper.