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La vieille femme qui étoit naturellement grande causeuse, prit aussi-tôt la parole. Ce Barbarus, dit-elle, étant prêt de partir pour un voyage dont il ne pouvoit se dispenser, et voulant apporter tous ses soins pour se conserver la fidélité de sa femme, qu’il aimoit beaucoup, en donna avis secrétement à Myrmex, l’un de ses valets, en qui il se confioit plus qu’à pas un autre, et lui ordonna de veiller à la conduite de sa maîtresse, le menaçant qu’il le mettroit en prison, chargé de fers ; qu’il lui feroit souffrir la faim, et qu’ensuite il le feroit expirer au milieu des tourmens, si aucun homme la touchoit seulement du bout du doigt, même en passant dans la rue ; ce qu’il lui protesta avec les sermens les plus sacrés. Ayant donc laissé Myrmex fort effrayé, et chargé d’accompagner continuellement sa femme, il part sans aucune inquiétude.

Le valet étant bien résolu à se donner tous les soins que demandoit sa commission, ne vouloit jamais permettre à sa maîtresse de sortir. Elle passoit tout le jour renfermée chez elle à filer de la laine, sans qu’il la perdît de vue un seul moment, et ne pouvant se dispenser de la laisser aller quelquefois le soir aux bains publics (16), il la suivoit pas à pas, comme l’ombre fait le corps, et tenoit même toujours d’une main le bord de sa robe. Voilà de quelle manière cet infatigable surveillant s’acquittoit de son emploi.