Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, II.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisoit cesser le travail aux chevaux et aux mulets, pour les faire dîner, elle m’y faisoit encore rester long-temps après eux. Ces cruautés qu’elle exerçoit contre moi, avoient extrêmement augmenté ma curiosité sur ce qui regardoit ses mœurs et sa conduite. Je m’appercevois qu’un certain jeune homme venoit tous les jours la trouver jusques dans sa chambre, et j’aurois bien voulu le voir au visage, si ce qu’on me mettoit sur la tête pour me couvrir les yeux ne m’en eût empêché ; car je n’eusse pas manqué d’industrie pour découvrir, de manière ou d’autre, les débauches de cette méchante créature.

Certaine vieille femme, qui étoit sa confidente, et qui conduisoit toutes ses intrigues, étoit continuellement avec elle, du matin jusqu’au soir. Elles commençoient par déjeûner ensemble, et en buvant l’une et l’autre, à qui mieux mieux, quantité de vin pur, la vieille imaginoit des fourberies pour tromper le malheureux meunier. Alors, quoique je fusse fort fâché de la méprise de Fotis qui, pensant me changer en oiseau, m’avoit changé en âne, j’avois du moins la consolation, dans ma triste difformité, de ce qu’avec mes grandes oreilles, j’entendois facilement ce qui se disoit assez loin de moi, et voici le discours qu’un jour cette vieille tenoit à la meunère.

Ma maîtresse, voyez donc ce que vous voulez faire de cet ami indolent et timide, que vous avez