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une histoire qui m’a paru des plus plaisantes : La voici.

Ce meunier qui m’avoit acheté, bon homme d’ailleurs et fort doux, étoit marié à la plus méchante, et la plus scélérate de toutes les femmes, qui le rendoit si malheureux de toutes façons, qu’en vérité j’étois souvent touché moi-même de son état ; car il ne manquoit aucun vice à cette maudite femme. Elle les possédoit tous généralement, sans en excepter aucun ; elle étoit pleine de malignité, cruelle, impudique, adonnée au vin, obstinée, acariâtre, d’une avarice sordide, et d’une avidité terrible à prendre le bien d’autrui ; prodigue pour ce qui regardoit ses infâmes débauches, et l’ennemie déclarée de la bonne foi et de la pudeur : A tout cela, elle joignoit l’impiété, elle méprisoit les Dieux immortels, et la vraie religion, et d’un esprit sacrilège, feignant de révérer, par de vaines cérémonies, un Dieu qu’elle disoit être seul et unique (15) ; elle trompoit tout le monde et son mari aussi, et dès le matin, elle s’enivroit, et le reste du jour elle se prostituoit.

Cette abominable femme avoit conçu une aversion terrible contre moi ; car, avant qu’il fût jour, elle ordonnoit, étant encore dans son lit, qu’on fît travailler au moulin l’âne qu’on avoit acheté depuis peu, et si-tôt qu’elle étoit levée, elle me faisoit donner cent coups de bâton en sa présence. Lorsqu’on