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par quelque miracle. Le jour ou j’écrivis la dernière page de mon journal fut le dernier dont j’eus conscience. Je me rappelle ensuite, comme dans un brouillard, l’entrée de mon confesseur, le P. Basile et avec quelle ardeur j’ai prié. Je me souviens encore que des gens tout à fait inconnus se sont approchés de moi, m’ont mis nu et ont disputé autour de moi. Même l’un d’eux, le plus gris et le plus chauve, a fort malmené Féodor Féodorovitch. Puis, je ne me rappelle plus rien. Rarement je reprenais connaissance et, à la lumière de la lampe voilée d’un abat-jour sombre, je voyais toujours devant moi Maria Pétrovna qui me faisait prendre mes remèdes. Mais ce n’était plus la Maria Pétrovna que je connaissais ; non : c’en était une autre. Je voulais lui demander pourquoi elle était si pâle et si maigre, mais je ne le pouvais pas : aussitôt que j’avais pris ma médecine, elle disparaissait ; seul le bruit léger de ses pas s’entendait sur le tapis, et de nouveau je perdais connaissance. Même à présent il m’est difficile de comprendre combien de temps dura cet état. Je m’éveillai un matin : il n’y avait plus ni lampe ni abat-jour ; un clair soleil rayonnait aux stores de ma fenêtre. Je remuai : des pas légers glissèrent sur le tapis.