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maladie et tout ce qui m’entourait ; je ne voyais devant moi que Lydia, et je récitais sans me lasser « le Dernier Amour » une poésie de Tutchev que j’adore :

 
Oh ! comme à la limite de l’âge,
Notre amour est plus tendre, plus superstitieux.


Oui, superstitieux ; on ne pouvait imaginer d’épithète plus juste.

J’ai examiné attentivement l’écriture indécise, presque enfantine de Lydia : dans la forme des lettres, je cherchais à lire son caractère, mon avenir. Si j’étais jeune, je désirerais ardemment son portrait, mais je n’en ai pas besoin pour la voir. Elle écrit la lettre K avec une boucle petite en haut ; je crois deviner son regard dans cette boucle.

 
Ô toi, mon dernier amour.
Tu es le bonheur et le désespoir !


23 mars.

Si le royaume de l’Amour existait réellement, comme il serait étrange et cruel ! Quelles lois y régneraient ? Mais peut-il y avoir des lois pour ce souverain capricieux ! Des centaines de jolies femmes passent devant vous et vous laissent tout à fait indifférent ;