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regrette beaucoup que je ne la connaisse pas encore. Moi, je ne le regrette nullement : ce doit être une pensionnaire blonde et sentimentale comme sa tante.


1er  décembre.

Trois semaines ont passé déjà depuis le début de ma maladie. J’ai essayé une foule de mixtures et d’onguents ; à chaque remède nouveau le docteur m’assure que le remède a agi, et pourtant il ne lève pas les arrêts. Dans la soirée, quelques amis viennent me voir ; aujourd’hui, personne n’est venu, et c’est avec joie que je me remets à mon journal.

Pour établir le bilan de ma vie passée, il me faut d’abord définir l’homme. Ai-je été : bon ou mauvais, intelligent ou imbécile, heureux ou malheureux. Après avoir allumé un cigare, je me suis assis sur le divan et, pendant deux heures, j’ai réfléchi là-dessus. Ma conclusion a été qu’une question de ce genre est insoluble, même pour l’homme le plus sincère. Quand on tâche à se rappeler tout son passé, aussitôt se présentent avec netteté toutes nos bonnes actions : on a fait du bien à celui-ci ; on a sauvé celui-là ; tel jour on pouvait faire une méchanceté et on s’en est abstenu. Le souvenir des mauvaises actions est