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centième partie de ce que j’ai souffert à la rupture de mon premier et dernier attachement : il durait depuis deux ans, mais je lui ai donné une si grande partie de moi-même que ces deux ans me semblent toute la vie ; tout d’abord je ne pouvais comprendre que tout cela put finir ; maintenant je ne puis comprendre comment cela a pu commencer, et je donnerais la moitié de ce qui me reste à vivre pour qu’il n’y ait pas eu de commencement.

Ne sois pas fâchée, chère Kitie, si ta folle, ta toquée Mary, te donne des conseils ; mais crois qu’ils viennent du fond d’un cœur plein d’affection et de reconnaissance pour toi. Pour me prouver que tu n’es pas fâchée, tu m’écriras une lettre aussi longue que la mienne. Écris-moi tout ce qui se fait dans notre monde. Quand Hippolyte Nikolaievitch se fâche avec son ministre, il répète toute la journée : « Je rentrerai dans la vie privée. » Et moi, je suis maintenant dans la vie privée ; mais toutes les bagatelles mondaines m’intéressent : je suis comme un acteur qui, ayant fini son rôle, entre dans la salle et regarde comment jouent ses camarades. Dis-moi si l’on parle de moi. Dans la société, on me déchire à belles dents, n’est-ce pas ? Je m’i-