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autres cherchent toute leur vie viennent d’eux-mêmes à toi ; tu satisfais immédiatement chacun de tes caprices, et sans hésiter tu passes la ligne devant laquelle une autre s’arrêterait effrayée : tu as la ferme conviction d’échapper même au soupçon. Jusqu’à présent cela t’a réussi ; mais tu sais, chère Kitie, les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Tu te rappelles ce que tu m’as répondu, certaine nuit, à Monplaisir, quand je t’ai demandé pourquoi tu désirais garder ces lettres qui peuvent te compromettre ? « Mon mari, as-tu dit, est si sûr de moi que, s’il me voyait dans les bras de quelqu’un, il n’en croirait pas ses yeux. » Au fond, ce n’est qu’une phrase. Une imprudence, le moindre incident peut te trahir, et alors tout cet échafaudage croulera, et ton mari te détestera d’autant plus qu’il aura été plus confiant ; et le monde se jettera sur toi avec cruauté pour se venger du respect dont il t’aura si longtemps entourée. Écoute-moi, ma chère, ma bonne Kitie : brûle tes fameuses archives, et avec elles tout ce qui te les rend intéressantes : en un mot, sois, en effet, telle que te croient les autres. Cet effort te coûtera peu : je sais que tu n’as pas un seul attachement sérieux, et, en laissant là tes « caprices », tu ne sentiras pas la