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À SA MARRAINE

vous manque et laissez-moi dans l’ignorance. Et quand vous voudrez me faire connaître ce que vous pensez de vous je modèlerai mon opinion sur la vôtre. Il est certain que ce que je vous ai dit de votre quatrain pourrait passer pour un madrigal. Les circonstances où je vous l’ai dit ne permettent cependant pas de se tromper.

Mais il ne tient qu’à vous, madame, de faire que ce n’ait été là qu’un madrigal, bien sincère pourtant. Si vous êtes sceptique en matière de sentiment où est donc cette naïveté provinciale dont il vous plaît de vous vanter et dont je ne veux pas vous flatter.

Je vous enverrais bien des vers, mais moi aussi je sais si peu de vous !…

Aujourd’hui mon âme n’a pas d’intérêt et pas plus pour moi que pour vous.

Il est vrai que l’action va décider du sort de la guerre, du moins je le crois et pendant quelques jours, vivant de nos vivres de réserve, nous allons le visage voilé sous la cagoule être séparés du reste de l’univers. Ni lettres ni rien qui viennent de l’arrière.

Mais j’aime, madame, votre réserve délicate