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quelque odieuse que sa conduite ait paru en l’occurence, exécuta les ordres de ses chefs avec une habile rapidité.

« Ses espions découvrirent qu’un des typographes de Wilkes était lié d’amitié avec un autre ouvrier employé chez William Fadan. Cet éditeur était intimement connu du Rév. John Kidgell, chapelain de lord March. L’ecclésiastique n’eut pas de peine à s’assurer la collaboration de son ami, qui, lui-même, obtint celle de son contremaître : dès le mois de juillet, quelques pages du poème obscène parvinrent dans l’atelier de Fadan et, de là, dans les mains de Kidgell.

« Ce ne fut qu’à la fin de septembre que Wilkes, revenant d’un court voyage à Paris, commença à soupçonner que ses typographes avaient été circonvenus : se croyant trahi par Michel Curray qu’il avait chargé de tirer à une douzaine d’exemplaires une partie de l’Essai sur la femme, il le renvoya sans délai.

« Cet individu qui avait été jusque-là coupable plutôt d’imprudence que de trahison, semble-t-il, s’empressa, pour se venger, d’apporter quelques autres placards d’épreuves à Fagan et à Kidgell. Ces placards joints aux feuilles obtenues précédemment, furent remis par l’ecclésiastique à son patron, lord March, qui les communiqua à Philip Carteret Webb et aux secrétaires d’État.

« Le gouvernement n’avait pas encore obtenu le poème complet tel qu’il existait en manuscrit ; il n’en avait que le quart déjà sorti des presses de Great George Street. Il faut croire que Georges Kearsley qui avait sans doute été chargé l’automne précédent d’imprimer l’ouvrage, n’avait pas pu faire la besogne, et que Wilkes de son côté, n’avait pas eu le temps d’imprimer plus de trois ou quatre feuilles !

« Aussi après tant d’efforts, M. Webb décrivait que cette obscène « publication » ne se composait que de fragments non publiés !

« Toutefois, il avait eu la bonne fortune de mettre la main sur les épreuves du frontispice curieusement gravé sur cuivre ; il comportait le titre du poème, et le dessin d’un phallus au-dessous duquel on lisait la devise : « Εωτήρ κοσμον », et, plus bas, cette indication : « Commentaires par le Révérend Docteur Warburton. »

« Ce frontispice était suivi de six pages intitulées « Avertissement de l’Editeur », et de quatre autres intitulées « Dessein de cet ouvrage », qui, d’après Kidgell, « passait toutes les bornes de l’indécence ».

« Pour ce qui est du poème lui-même dédié à Miss Murray, il