Page:Aperçu sur la théorie de l'évolution - conférence faite à Buenos Ayres dans la séance solennelle, célébrée en son honneur par la Société Scientifique Argentine, le 25 octobre 1882.pdf/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
− 17 −

coloris, il nous faut avouer que les plus intéressantes sont celles que ce puissant organe végétal est parvenu à réaliser pour protéger, et, même bien souvent, pour provoquer les amours si singulièrement poétiques des fleurs. Innocentes amours qui trouvent des intermédiaires dévoués bien qu’inconscients, dans presque tous les insectes, et bien souvent dans les colibris ou autres petits oiseaux.

Les feuilles colorées qui, sous le nom de plantes d’ornement, garnissent les salons, les vestibules et les serres de Buenos-Ayres, sont les justifications de ce que j’avance, et ne représentent rien moins que les vêtements de toutes sortes, comme les habits de velours, les robes de satin, les longs manteaux traînants, tout exprès préparés pour attirer l’œil des amoureux, chaque fille d’Eve du règne de Flora se parant des couleurs qu’elle sait les plus agréables au regard de son préféré.

Le végétal, dans ce cas, est un père aussi prudent, qu’expérimenté qui, se voyant à la tête de filles assez laides, mais disposant d’une certaine fortune, les couvre de riches et coûteuses toilettes pour amorcer ainsi de naïfs et candides soupirants.

La différence, quant aux plantes, consiste uniquement en ceci, que ce n’est pas à vrai dire, pour des amants de leur nature que les feuilles de tant d’espèces de Coléus, de Crotons, de Maranthas, de Caladiums, etc., déploient leurs splendides couleurs près des petites fleurs frêles, laides et sans parfum ; non, ce n’est pas pour ces amants, c’est pour les officieux insectes qui, soit qu’ils prennent la nuée pour Junon, soit qu’ils agissent en parfaite connaissance de cause, volent à la recherche des belles feuilles de leur goût,