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ne mourront pas sous l’influence glaciale de l’âpre vent des Cordillières, parce que, de par leurs vaillants aïeux et depuis bien des siècles, ils ont appris à lutter contre les rigueurs ardentes de l’été, contre les inclémences des glaces de l’hiver.

Vous savez que les émanations salines de l’Océan sont impuissantes à tanner davantage le visage, depuis longtemps bronzé, du vieux pêcheur, et que le manche noueux de la charrue ne saurait blesser la main calleuse du laboureur. Tels sont ces végétaux des montagnes, que, par une comparaison un peu risquée peut-être, mais vraisemblable, je viens de vous mettre sous les yeux.

Cette enveloppe d’écorce qui, semblable à un manteau d’hiver, abrite leur tronc et leurs branches, cette peluche qui, comme une tunique de laine, recouvre la surface de leurs feuilles, constituent le patrimoine de la famille, ou mieux, de chaque membre de la république ; ce sont des biens acquis par une série inimaginable d’opérations calculées, répétées, cent fois modifiées, et, en somme, améliorées d’année en année, de siècle en siècle, jusqu’à ce que, grâce à ces bienfaits, ils soient à même de résister aux intempéries du milieu inhospitalier dans lequel ils sont appelés à vivre.

Et, non seulement ils se sont ainsi couverts d’épais vêtements contre le froid, mais ils ont de plus fait tous leurs efforts pour modifier leur nature primitive, pour faire courber et leurs membres et leur tronc, et enfin, pour implanter plus profondément leurs racines dans les fentes des rochers, parce que toutes ces précautions leur étaient indispensables pour résister aux ouragans qui règnent sur ces hauteurs.