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bles dépouilles de l’humanité primitive, d’individus intermédiaires ou de types à peine connus aujourd’hui.

Il suffit de réfléchir un peu sur le plan d’unité morphique dans une même classe quelconque d’animaux, dans celle des mammifères, par exemple ; et nous reconnaîtrons immédiatement que, depuis l’homme jusqu’aux monotrèmes, il y a eu dans la splendide et harmonieuse homologie de ce groupe immense, la même distribution et la même analogie de membres, les mêmes organes correspondant à leurs fonctions respectives ; ces membres ne différant entr’eux qu’autant que cela a été nécessaire pour les approprier aux moyens de l’existence de chaque type. Ainsi nous voyons que chez les amphibies et chez les cétacés, animaux qui vivent dans l’eau, les bras et les mains sont beaucoup plus courts que chez tous les autres animaux, et prennent la forme de véritables écopes ou d’instruments natatoires ; tandis que, chez les cheroptères, ces mêmes bras et mains, en se détendant extraordinairement et en se revêtant d’une membrane élastique fort développée, servent de nervures aux ailes énormes avec lesquelles ces mammifères se meuvent dans l’air.

L’adaptation des animaux et des plantes au milieu dans lequel ils doivent vivre, ou, mieux, l’énergie et les ressources morphologiques et physiologiques dont ils peuvent disposer dans la lutte pour la vie, sont l’origine de ces modifications parfois si profondes. C’est ainsi que par sélection naturelle, ou plutôt par la non-nécessité d’un vol élevé et par un fréquent séjour dans l’eau, les ailes des oiseaux des régions polaires sont réduites à l’état de véritables rames ; c’est ainsi que se sont atrophiées, parce quelles sont nuisibles, les ailes des insectes en certaines îles, où des vents violents les entraîneraient à la mer et par