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homme au baiser. Un monsieur quelconque a fait savoir à vos parents, par un intermédiaire discret, qu’il trouvait à sa convenance vous et votre dot. Vous conformant à l’usage bien français et, déjà fort ancien, vous l’avez jugé homme de goût, puisque vous lui plaisiez, et homme de sens puisqu’il vous demandait en mariage. Il n’en fallait pas plus pour « l’adorer ». Vous l’avez « adoré », comme il est encore d’usage. Et c’est ainsi que s’est terminée, pour vous comme pour beaucoup de femmes, la période d’avant l’amour. Il se peut que vous en soyez restée là et que vous vous soyez contentée de cette paisible et gentille petite passion, vraiment tout à fait convenable et distinguée, dont la durée n’excédera pas sans doute les limites du premier trimestre conjugal. On ne sait si l’on doit vous envier, quand on a goûté soi-même à l’affolante liqueur des ivresses et aux amertumes des lendemains. Notre vie n’est-elle pas ce que notre tempérament la fait ?

L’héroïne du livre que j’ai sous les yeux a bien eu l’existence propre à son tempérament. Nature passionnée, elle n’a pas connu les gracieuses et