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GASTON CAMUS

en avant et je crus entendre une voix qui me disait : « Marche, c’est la route de ta destinée, tu dois la suivre jusqu’au bout ».

J’avançai malgré moi. D’un regard rapide, j’enveloppai tout ce que ma vue pouvait embrasser. Ô tristesse ! douleur ! regrets amers ! Ce n’était partout que monts et roches rougeâtres dont quelques arbres rabougris, quelques buissons en broussaille, à la verdure douteuse, atténuaient seuls l’aridité. Une herbe desséchée croissait, avec la mousse, sur un sol caillouteux.

Je marchais, puisque je devais marcher, haletant, inondé de sueur. Mes jambes, fatiguées d’avoir à franchir les obstacles de toutes sortes qui se dressaient sur ce chemin de misère, fléchissaient parfois et bien souvent je crus que j’allais tomber.

Dans ces moments de défaillance et de suprême souffrance, j’aurais voulu crier : « Pitié ! À l’aide ! Pitié ! » Mais aucune parole ne sortait de ma bouche obstinément fermée, et la voix me criait toujours : « Marche, marche encore ».

J’arrivai enfin au sommet d’une abrupte colline. Là, j’eus une lueur d’espoir ; j’éprouvai une sensation exquise de bien-être : mon chemin devenait moins pénible, et non loin de moi, j’aperçus, quel bonheur ! une petite vallée verdoyante, traversée par un cours d’eau dont la ligne argentée suivait la base d’une montagne égale en aridité à celle que je venais de gravir. Cette montagne, d’aspect si triste, je m’acharnai à ne pas la voir. J’en détournai mes regards comme d’une chose qu’on hait ou qu’on redoute. Mais, en revanche, avec quel amour je les