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XX
INTRODUCTION.

Les poëtes japonais font un usage assez fréquent d’un procédé qui rappelle involontairement nos calembours, mais qui n’a point, dans leur langage, le même caractère de vulgarité. Profitant du grand nombre d’homophones que renferme le vocabulaire japonais, les versificateurs du Nippon trouvent un certain agrément à employer, ordinairement à la fin du premier vers, un mot qui, au second vers, ne peut être admis dans le sens général de la pièce qu’à la condition d’être pris dans une acception qu’il n’avait pas tout d’abord. J’ai choisi, pour donner au lecteur une idée de cette bizarrerie, la pièce suivante où j’ai trouvé un jeu de mots qu’il m’a été possible, à peu de chose près, de rendre également en français :

    expressions dont il est presque toujours impossible de rendre la valeur dans une traduction, ce qui se rattache aux mots relatifs au ciel.
    Voy., pour plus de développements sur les expressions de ce genre, le commentaire donné à la suite d’une ode des Cent poëtes, ci-après, p. 42.
    Voici un autre exemple, emprunté à la Collection des Cent poëtes (hyakŭ-nin-is-syu, pièce lxi) :

    Inisihe-no Nara-no myako-no ya-he zakŭra.
    Keô kokono-he nivo’i-nuru kana !

    Combien sont odorantes, dans la résidence actuelle de l’empereur, les fleurs quatre-doubles (octuples) de cerisier de l’antique capitale de Nara !

    Dans cette pièce le mot kokono-he, qui signifie « le palais de l’empereur », parce que ce palais avait neuf enceintes, a été choisi à cause du mot ya-he « octuple » du premier vers, de façon à donner l’idée de fleurs primitivement octuples qui deviennent nonuples dans le nouveau palais habité par le mikado.