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ANTHOLOGIE JAPONAISE.

kanasiku omo’i kittaru kokoro-ni mo katana-wo motsŭ-ni tsikara-naku, daki-simete naki-sidzŭmi-si-ni Naga-haru-wa koye-wo kake : oya ko-no syukŭ-yen hito kata naranedo, kono go-ni oyobi ze-hi nasi : waga te-ni kake môsan-ya to iyeba, otto-no kao-wo mi-age o te-wo yo-go sase tamô-ni oyobazŭ to kono zi-seï-wo kaki-nokosi muzan-ya seô-ni-wo sasi-korosi kayesŭ gatana de waga-mi mo zi-gaï site misaho-wo notsi-no yo-ni nokosinu.

La femme de Bes-syo Ko-saburô Naga-haru, le premier mois de la huitième année de la période Ten-seô, perdit son époux qui se donna la mort[1] en voulant porter secours à ses troupes ! « Bien que je sois une femme, dit-elle, pourquoi resterais-je en arrière ? Allons avec mon époux au paradis éternel ! » En disant ces mots, elle fit approcher son enfant, âgé de trois ans, et voulut le tuer avec son poignard. Cependant elle avait donné le jour à cet enfant, après avoir longtemps pleuré sa stérilité durant son séjour dans la maison de son mari ; elle l’avait chéri du matin au soir, elle l’avait garanti des intempéries du climat, elle avait espéré qu’il parviendrait à la longévité des pins. Elle était donc désespérée de voir qu’il allait disparaître comme la gelée blanche du matin. Aussi ne se sentit-elle point la force de tenir son poignard, et en serrant (convulsivement) son enfant embrassé, elle le baigna de ses larmes.

Nagaharu poussa un cri, et dit : « Quelle que soit l’importance du lien providentiel qui unit le père et le fils, dans la situation où nous sommes, il est indispensable que je tue mon enfant de ma propre main. Voyant alors les traits (défigurés) de Nagaharou, sa femme lui dit : Il n’est point néces-

  1. Litt. : « Il s’ouvrit le ventre.