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blaient, dans la candeur d’un grossier montage artificiel, quelques brindilles perlées.

L’ex-amant de Francine, Joseph Richard, le peintre, dégringolait, en effet, les dernières marches de l’escalier. Rien ne le distinguait du vulgaire. Il était accompagné par un garçon pansu dont les yeux en trous de vrille luisaient au-dessus d’une paire de joues très nourries. L’un et l’autre étaient assez flambants dans leurs interminables gâteuses, la figure propre, la barbe peignée.

Sur ces entrefaites, arriva une vieille dame, modeste rentière pour qui Francine, lors de son arrivée à Paris, avait apporté une lettre de recommandation.

— Bonjour, madame Brachet, s’écria la concierge.

Celle-ci répondit :

— Bonjour, madame.

Un bonnet de deuil à superbes rubans la coiffait ; elle avait aussi un paletot garni de renard, des caoutchoucs. D’ailleurs, elle ne s’était jamais occupée de la Bretonne, si ce n’est pour venir la sermonner en temps inopportun.

Mais déjà les croque-morts avaient empoigné le cercueil et l’avaient glissé dans le corbillard où il s’était allongé avec un grondement sourd. En un clin d’œil, il fut caché sous l’énorme housse usée, frangée de blanc. Clac ! un coup de fouet cingla le dos de la jument. À droite et à gauche, les ouvriers funèbres réglaient leurs pas sur celui de la bête. Trois parapluies s’étaient ouverts, et les gens de l’enterrement se dirigeaient vers le cimetière de Montmartre.

Ces funérailles étiques, les pieds dans la neige, le front fouetté par des tourbillons blancs qu’une brise désagréable entraînait vers le sol, collaient les boutiquiers aux vitres de leurs magasins. Des passants jugèrent à propos de s’arrêter pour suivre du regard l’infime cortège. Lui, accomplissait son voyage lamentable. Nulle parole ne s’échangeait. À la hauteur de la rue Coustou, la concierge fixa par une épingle, les rubans flottants du bonnet de Mme  Brachet. La neige menaçait de les mouiller.